147.

Les doigts fins se posent sur le masque violet. La Grande Maîtresse ôte sa « face » réjouie et dévoile son visage de chair.

Lucrèce Nemrod découvre une femme brune d’à peu près 50 ans, aux cheveux courts et au regard vif, mais qui semble extrêmement fatiguée. Elle se tient très droite, très digne, et tous ses gestes sont empreints d’une grande délicatesse. Elle ne sourit pas.

— Je me prénomme Béatrice, dit-elle.

Elle déglutit, avant de prononcer la phrase qu’elle a trop retenue :

— Où se trouve-t-« elle » ?

Comprenant l’allusion, Lucrèce Nemrod indique la direction de sa chambre. Accompagnée d’Isidore, elle ouvre la porte de la petite pièce. Puis sort une clef, et ouvre la menotte qui retenait la mallette au pied de son lit.

Elle la dégage et la tend à la femme en cape violette.

La Grande Maîtresse de la GLH caresse la mallette d’acier en soupirant longuement, enfin soulagée après une attente de plusieurs années.

— Si vous saviez tout le chemin qu’a parcouru ce papier. Si vous saviez tous les gens qui l’ont recopié, qui l’ont lu, qui l’ont fait vivre. Si vous saviez tous les gens qu’il a tués.

— C’est justement la contrepartie de notre accord. Nous voulons tout savoir, dit Lucrèce Nemrod.

— Très bien, suivez-moi.

Elle les guide vers son cabinet, une grande pièce ronde où s’affichent les portraits d’hommes et de femmes en tenue violette. Lucrèce en déduit que ce sont là les Grands Maîtres précédents.

Béatrice s’assoit à son bureau. Elle pose la mallette d’acier devant elle, avec mille précautions.

— Vous connaissez notre histoire jusqu’où ? demande-t-elle.

— Avec Stéphane Krausz nous nous sommes arrêtés à Pierre Dac et à la Seconde Guerre mondiale.

— Durant la guerre, une partie de la GLH a fui aux USA, et une partie est restée en France, s’est cachée et a combattu au sein de la Résistance. Des journaux clandestins soutenus par notre mouvement se moquaient d’Hitler et lorsque les caricaturistes étaient attrapés ils étaient fusillés. Certains ont été torturés et ont parlé. Si bien qu’Hitler a fini par découvrir l’existence de l’Épée de Salomon. Nos bons rapports avec les francs-maçons et les humoristes juifs ne faisaient que nous rendre encore plus suspects. La Milice française aux ordres de Pétain nous a pourchassés et beaucoup d’entre nous ont été arrêtés et déportés.

— Et ceux de la GLH qui sont partis aux USA ?

— Je ne sais pas si Stéphane vous l’a dit dans le cadre de son cours historique, mais la branche américaine a été très active. Charlie Chaplin, qui faisait partie de notre noble société, a produit contre l’avis de tous, et malgré les menaces Le Dictateur. Il savait qu’il fallait à tout prix continuer d’utiliser l’arme du ridicule pour lutter contre le nazisme, sinon il n’y aurait eu que la peur. Et Hitler aurait gagné la bataille psychologique.

— Et en France ? demande Lucrèce.

— Au début tout allait bien. Mais l’un de nos membres séduit par les théories nazies nous a trahis. Il a révélé l’existence du tumulus de Carnac qui était notre centre stratégique européen. Un beau matin de l’hiver 1943, la police de Vichy a encerclé la chapelle Saint-Michel. Nous nous sommes défendus. Il y a eu une centaine de morts, seul un petit groupe a pu fuir de justesse par une sortie de secours.

— J’ignorais que le combat pour l’humour avait fait autant de victimes, reconnaît la jeune journaliste scientifique.

— De notre côté nous ne nous sommes pas gênés pour envoyer nos petites lettres mortelles contenant la BQT à quelques collaborateurs trop zélés. C’était notre manière à nous de faire de la Résistance. Une lettre « BQT » (traduite en allemand grâce à notre technique des trois morceaux traduits séparément puis réunis par un aveugle) a même été envoyée à Hitler. Mais son courrier était ouvert par ses secrétaires, ce qui a paraît-il créé là-bas une hécatombe, malheureusement sans toucher le chef.

— Extraordinaire, ne peut s’empêcher de murmurer Isidore.

— André Malraux, ministre des Affaires culturelles de De Gaulle, qui était au courant de notre existence et de nos martyrs, nous a fait cadeau à titre de « dédommagement » d’un sanctuaire enfin digne de ce nom.

— Le phare fantôme au large de Carnac ? questionne Lucrèce.

— En effet. C’est un phare particulier. Il est important qu’il ne figure sur aucune carte, afin de ne pas tromper les marins. Et de l’extérieur, il paraît abandonné. Il avait servi aux services secrets français comme poste isolé avancé. C’était Napoléon qui avait eu l’idée de ce phare fantôme en prévision d’une attaque navale des Anglais. Un simple phare abandonné vu de loin, et à l’intérieur un vrai poste militaire. Durant la Seconde Guerre mondiale, Pétain l’a signalé aux Allemands. Ils y ont creusé et aménagé des salles encore plus vastes, et l’ont modernisé pour en faire une sorte de QG secret en cas d’attaque des Alliés par le sud de la Bretagne.

— Je comprends maintenant pourquoi nous y avons trouvé des escaliers, des ascenseurs, l’eau, l’électricité, et un certain confort pour des centaines de personnes.

— En tant que vestige de l’occupation allemande, cet endroit ne suscitait pas un vif intérêt. Pour les rares personnes au courant, ça valait les vieux blockhaus du Mur de l’Atlantique, c’est-à-dire des déchetteries nauséabondes. Notre Grand Maître de l’époque a donc proposé au ministre de la Guerre de le soulager de la gestion de ce site, et il nous l’a cédé discrètement. Le 1er avril 1947, la GLH a déménagé dans ce phare, et remis l’endroit en état.

— Et là vous êtes enfin tranquilles.

Elle se lève et désigne un homme en tenue mauve. Il est chauve avec une cigarette au coin des lèvres.

— À l’époque notre Grand Maître était précisément Pierre Dac. Durant la guerre il avait été responsable de l’émission clandestine « Les Français parlent aux Français » depuis Radio Londres. Il avait été un grand résistant, arrêté, emprisonné, évadé et finalement installé à Londres où il avait bien ridiculisé le gouvernement de Vichy.

— Avec le fameux slogan « Radio Paris ment, Radio Paris est allemand » sur l’air de La Cucarracha, rappelle Isidore.

— En effet, bravo, peu de gens se souviennent de ce détail. Pierre Dac, avec des amis à lui comme Francis Blanche, René Goscinny et Jean Yanne, vont inventer en France un humour d’après-guerre corrosif. C’était aussi la renaissance de la GLH. Nous infiltrions alors les journaux satiriques, les journaux de bandes dessinées, les journaux politiques, et plus tard la radio, la télévision et le cinéma. Nous avons été à l’origine de films avec Bourvil, Fernandel, De Funès.

Elle ne peut retenir une caresse sur la mallette d’acier encore close contenant la BQT.

— Après la mort de Pierre Dac, la Maîtrise a été donnée à des hommes ou des femmes qui n’avaient pas de célébrité en dehors du phare. Et le mouvement a eu tendance à devenir de plus en plus hermétique et coupé du monde extérieur. Quelques généreux donateurs, souvent des comiques célèbres ou des producteurs de cinéma, finançaient notre groupe en sous-main. Nous arrivions ainsi à être complètement autonomes, à produire des blagues anonymes régulièrement.

— Les blagues de bistrot ? Les blagues carambar ? Les blagues de cours d’école ?

— Toutes les blagues, mais toujours avec la même philosophie sous-jacente : dénoncer les tyrans, les pédants et les arrogants, lutter contre les chapelles, les donneurs de leçons, les pisse-vinaigre, les superstitions et les racismes. On pouvait parler de tout, rire de tout, du moment qu’en arrière-pensée il restait une volonté de respect, et non d’avilissement de l’être humain.

— Vous aviez une école ?

— Bien sûr, au sein du phare nous formions des gens. Nous améliorions des humoristes. Nous inspirions des thèmes d’humour. Boris Vian faisait partie des nôtres. C’est lui qui a trouvé « Une sortie est une entrée que l’on prend dans l’autre sens », ou « Dire des idioties de nos jours où tout le monde réfléchit profondément c’est le seul moyen de prouver qu’on a une pensée libre et indépendante. »

Lucrèce a en effet constaté que la citation d’humoriste est une sorte de sport local. Tous les GLH en sont friands.

— En Mai 1968 nous étions derrière le mouvement étudiant et nous le fournissions en slogans, en affiches, en gags. « Sous les pavés la plage », « Il est interdit d’interdire », « Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner », « Soyez réalistes, demandez l’impossible », « Cours, cours, le vieux monde est derrière toi » sont des slogans humoristiques qui ont été élaborés par nos créateurs dans le phare fantôme.

— Mais Mai 68 a échoué, rappelle Lucrèce.

— Nous avions un programme pour penser une nouvelle société. Les étudiants et les syndicalistes nous ont écoutés à moitié. Les intérêts personnels et les égoïsmes politiques ont été plus forts que l’envie réelle de changer le monde. Après l’échec de Mai 1968 nous avons décidé d’être plus insidieux. Nous avons encouragé par notre branche anglaise la création de la troupe de comiques britanniques les Monty Python.

— Ah, vous êtes aussi derrière eux ? demande Isidore avec enthousiasme. Je les adore. Ce sont, et de loin, mes préférés.

— Les Monty Python n’ont aucune limite. Aucune. À tel point qu’un jour ils ont fait un sketch sur la… BQT !

Béatrice se lève, longe les visages des anciens Grands Maîtres, puis rejoint une porte sur laquelle s’affichent des images de films. Elle désigne une photo des Monty Python.

— Ah oui, je m’en souviens, le sketch World’s Funniest Joke. La blague la plus drôle du monde ? C’était ça ? demande Isidore Katzenberg.

— Les Monty Python nous avaient demandé l’autorisation d’évoquer la BQT de manière détournée. L’un d’eux, Graham Chapman, qui a été formé au phare, avait discuté avec notre Grand Maître de l’époque. Et lui avait dit : « La BQT c’est tellement incroyable que personne ne pourra même imaginer que cela puisse réellement exister. »

— Vous n’allez pas me dire que le Grand Maître de l’époque a autorisé à révéler au monde le plus grand secret de votre société ? s’étonne Lucrèce.

— En 1973 c’était encore Pierre Dac. Il était vieux et fatigué mais il aimait toujours les défis. Et cela lui sembla un « pied de nez » amusant. Le sketch World’s Funniest Joke a été diffusé pour la première fois en avril 1973 dans leur émission « Flying Circus » et les gens ont ri « normalement », entre deux autres sketches des Monty Python.

— Extraordinaire, reconnaît le journaliste scientifique.

Béatrice revient s’asseoir et ne peut lâcher du regard la mallette d’acier. Sa main continue de caresser le métal avec respect, et une sorte de nostalgie.

— Pour ma part je suis arrivée ici en 1991. Mon père était un comique et on lui avait fait une sale blague.

Son visage s’assombrit d’un coup.

Isidore comprend que quelque chose de grave s’est passé et l’invite à raconter.

— Il jouait dans un grand théâtre. Un grand de trois cents places. Il a commencé son spectacle et… au premier sketch personne n’a ri. Il ne s’est pas affolé et a enchaîné, mais au deuxième non plus. Et il a enchaîné tous ses sketches et personne ne riait.

Ça doit être terrifiant.

— Au final sur les trois cents spectateurs pas un n’a ri une seule fois durant tout le spectacle. Même pas un gloussement. Même pas un sourire. Juste trois cents visages fermés, comme un mur.

Brrr… l’horreur absolue.

— En fait il s’agissait de figurants payés exprès pour ne pas rire. C’était une idée « comique » d’un animateur de télévision qui voulait faire un coup.

— 300 personnes qui ne rient pas pendant une heure et demie ! Quel silence assourdissant, reconnaît Lucrèce, qui se souvient de son angoisse durant son passage sur scène.

— Pour un comique c’est le cauchemar. Il était livide, tremblant, décontenancé. Le public a trouvé ça « drôle », évidemment. Comme on devait trouver drôle au Moyen Âge de voir un homme supplicié.

Elle s’arrête, comme en suspens.

— Et ? demande Lucrèce, curieuse.

— Après avoir fait semblant de ne pas être affecté par ce piège dans lequel on l’avait fait tomber, mon père s’est suicidé. Sans BQT. Avec une corde, un nœud et une chaise.

Béatrice baisse les yeux sur la mallette.

— Du coup j’ai découvert que l’humour n’était pas la panacée. On pouvait même, pour faire rire son prochain, commettre de vraies saloperies.

J’en sais quelque chose. Marie-Ange m’aura au moins appris cela.

— Ce drame m’a donné envie de lutter contre « le mauvais humour » et j’ai pensé que le meilleur endroit pour le faire était précisément ici, à la source cachée. Mon père m’en avait parlé quelques mois avant son trépas. Je suis venue. J’ai été initiée. J’ai fait un duel, j’ai gagné et j’ai pu être intégrée. Ensuite je suis montée en grade. Je suis devenue formatrice. Et un jour…

— … Vous avez vu débarquer le comique Tristan Magnard, complète Isidore.

— Il était à la recherche de « Là où naissent les blagues ». En remontant à la source d’une blague, de raconteur à raconteur, il a réussi à parvenir jusqu’à nous. Je l’ai formé. Je l’ai préparé au duel. Et par le plus pur des hasards il a dû combattre son propre imprésario qui l’avait suivi.

— Jimmy Petrossian ?

— En personne. Tristan a gagné et il est devenu apprenti GLH.

— … et votre compagnon, anticipe déjà Isidore.

Elle marque une seconde de surprise, mais se reprend vite.

— En effet. Cette formation comique nous a rapprochés et sous terre, loin de tout, notre passion a été d’autant plus forte.

— C’est beau, dit Isidore.

Il oublie que Tristan Magnard, pour filer le grand amour sous un phare, a abandonné sa femme et ses enfants. Je ne sais pas si eux le prendront avec humour quand ils apprendront l’histoire.

Le regard de Béatrice se perd au loin.

— Quand le Grand Maître GLH successeur de Pierre Dac a donné sa démission parce qu’il se sentait trop vieux pour assumer ses fonctions, une élection a eu lieu et Tristan a été élu à l’unanimité.

Elle désigne le portrait de Tristan Magnard en tenue mauve. Les deux journalistes ont du mal à reconnaître derrière ce qui semble un homme mature et souriant le barbu au visage creusé qui agonisait dans une pièce sombre.

— Toujours sous terre, sous un phare… Vous n’étiez pas claustrophobes vers la fin ?

Béatrice a enfin un grand sourire.

— L’humour est comme une grande fenêtre permanente dans nos têtes. Avec l’humour nous n’étions ni en manque de chaleur ni en manque de lumière. La vie de tous les jours ici était composée de rires et de blagues. C’était le paradis. Nous gardions le contact avec quelques stars qui venaient nous voir mais gardaient le secret.

— De Funès ?

— Non, Bourvil, rectifie-t-elle en désignant le comique en tenue violette.

— Coluche ?

— Non, Desproges. Nous ne les avions pas tous. Certains nous détestaient par principe. D’autres nous jalousaient. Et puis, comme chez cet animateur de télévision qui avait indirectement tué mon père, nous voyions monter en puissance… un humour contraire à nos principes de respect de l’individu.

— De quoi parlez-vous ?

— L’humour est une énergie. Comme le nucléaire. Avec le nucléaire on peut construire une centrale électrique qui va fournir du confort de vie aux gens, mais on peut aussi faire une bombe atomique qui va les tuer par millions.

— Comme un marteau. Avec un marteau on peut construire une maison ou fracasser un crâne, renchérit Lucrèce Nemrod qui se souvient du raisonnement de son comparse.

— L’outil n’est rien. La conscience de celui qui utilise l’outil est tout. Donc tout dépend des motivations de celui qui utilise la nouvelle technologie. Même auprès des tyrans sévissaient des humoristes qui permettaient de rendre les populations plus dociles face au totalitarisme.

La motivation… voilà l’une des clefs.

— Cette énergie formidable peut échoir entre de mauvaises mains. Et alors apparaît un phénomène nouveau. Ce que nous avons appelé « l’humour des ténèbres ». Faire rire du malheur de mon père, faire rire en se moquant des étrangers, faire rire en dévaluant les femmes, les handicapés mentaux, les pauvres. Faire rire au détriment des autres, c’est aussi de l’humour.

— La différence entre l’ironie et le cynisme, ajoute Lucrèce.

— L’humour est une aristocratie de l’esprit. Mais entre des mains malveillantes, il devient destructeur.

Les deux journalistes commencent à percevoir l’enjeu de cette conversation.

— Actuellement on pourrait dire qu’il existe autant d’humoristes bienveillants que malveillants. Et les malveillants utilisent le paravent des bienveillants pour faire passer des idées parfois nauséabondes. Ici, à la GLH, nous suivions avec vigilance cette montée de l’humour des ténèbres, égalant puis dépassant l’humour des lumières.

— Les « méchants » sont toujours plus drôles que les « gentils », reconnaît Isidore.

— Sous prétexte de provocation, certains humoristes défendaient des théories révisionnistes ou racistes en prétextant que c’était « juste pour rire ».

— Et ceux qui dénonçaient cette dérive passaient pour des gens « sans humour », complète Isidore.

— Je vous l’ai dit, nous sommes avant tout un mouvement humaniste. Il fallait contre-attaquer.

La Grand Maîtresse caresse la mallette en acier.

— Et il y a eu Stéphane Krausz. C’était un très bon producteur. Il était chez nous depuis trois ans. Il a proposé une solution : « Pour lutter contre l’humour des ténèbres il nous faut un champion. » Il a invité au phare neuf jeunes humoristes qu’il jugeait les plus prometteurs du moment. Ils se sont entre-tués.

— Le gagnant a été Darius Wozniak ? anticipe Lucrèce.

C’est donc comme ça que tout a commencé.

— En effet. Dès lors ce jeune homme a bénéficié de l’enseignement maximal de la confrérie. On travaillait huit heures par jour à le façonner, à lui créer des réflexes d’improvisation inégalés. Une équipe de physiologistes étudiaient son cerveau. Des metteurs en scène, des acteurs, des mimes sont venus le parfaire. On a travaillé son souffle, son maintien, son regard avec son œil unique. L’idée du cœur dans sa cavité oculaire, c’est moi qui l’ai trouvée. Tout était réfléchi dans le moindre détail. Et quand on a estimé qu’il était au point, on l’a mis en piste et il a bénéficié de tous les réseaux d’influence de la GLH. Il a directement joué dans les grands théâtres, il est très vite passé dans les émissions les plus regardées de la télévision, nous avons utilisé toute notre richesse, notre influence politique, notre science pour qu’il soit le champion capable de contrer le « mauvais humour à la mode ».

Béatrice se lève et rejoint la photo de Tristan Magnard qu’elle couve du regard.

— Darius a connu le succès au-delà de toutes nos espérances. Sa réussite a été fulgurante. Tout le monde tombait sous son charme. Nous avons atteint notre objectif. Les « humoristes des ténèbres » sont passés de mode d’un coup. Ils semblaient stagner au second degré alors que lui déjà voltigeait au troisième ou au quatrième degré. Même les politiciens le courtisaient pour essayer de récupérer son influence auprès des jeunes. Et en coulisses des dizaines d’auteurs de la GLH travaillaient pour lui donner les meilleurs sketches.

La Grande Maîtresse se tait soudain, submergée par les images du passé.

— Et ?

— Et Darius est devenu le Cyclope, et le Cyclope est devenu le « Français le plus aimé des Français ». Le jour de cette publication nous avons fêté cela au champagne. De plus, par l’entremise de Stéphane Krausz, ce succès nous rapportait des sommes extraordinaires qui nous ont permis d’améliorer encore le confort de la GLH sous le phare.

— Et ? relance Lucrèce qui supporte mal l’impatience.

— Et… il nous a échappé. Je crois que sous la pression de la gloire médiatique et sous l’emprise de la cocaïne, il s’est transformé. Il était un faux timide, il est devenu narcissique. Il était névrosé, il est devenu mégalomane. Et surtout il devenait obsédé par la BQT. Il voulait à tout prix savoir ce que c’était.

Béatrice caresse à nouveau la mallette comme un petit animal.

— Un jour il est revenu au phare et il a demandé à réunir l’assemblée des capes mauves. Il a fait un grand discours disant que vu qu’il était le plus riche et le plus célèbre et comme c’était lui qui nourrissait la GLH, il trouvait normal qu’il y ait une élection et qu’il se présente pour être Grand Maître à la place de Tristan.

— Logique, ponctue Isidore.

— Une élection a eu lieu. Et le plus étonnant c’est qu’il s’en est fallu d’une voix, peut-être la mienne, pour qu’il passe. Ensuite il est parti en disant : « Ce qu’on ne m’accorde pas lorsque je le demande de manière polie, je l’obtiens autrement… »

— Il n’était pas drôle votre « champion de l’humour », signale Isidore.

— Nous ignorions que nous avions créé un monstre.

— Les dictateurs comme Fidel Castro, Noriega ou Ben Laden ont été au début soutenus par la CIA, rappelle Isidore.

— Dark Vador était un ancien chevalier Jedi avant de tomber du côté noir de la Force et combattre ceux qui l’avaient formé, croit bon d’ajouter Lucrèce.

— Mais la rupture n’était pas encore à l’ordre du jour. Nous étions si fiers de lui que nous étions aveugles. On lui pardonnait tout, on lui accordait tout comme à un enfant surdoué trop gâté. Darius Wozniak a commencé par créer son théâtre, puis son École du Rire, bien sûr encore avec notre soutien financier, nos instructeurs, notre savoir-faire. Nous croyions encore à l’époque qu’il était, comme disait Stéphane Krausz, notre « vitrine sur le monde ». Et son pouvoir augmentait. Darius galvanisait les foules. Il arrivait à faire rire des stades de dizaines de milliers de personnes.

— Bercy, le Parc des Princes, le Stade de France…, se souvient Lucrèce.

— Après avoir touché le Soleil, Icare s’est fondu les ailes…, murmure Isidore.

— L’ego de Darius n’arrêtait pas d’enfler. Dans le privé il était devenu colérique, tyrannique, paranoïaque, violent. Il ne supportait plus la moindre critique, il avait perdu tout sens de l’autodérision. Il ne supportait pas d’être lui-même la cible de l’humour.

Elle pose ses deux mains sur la mallette.

— Nous ne voulions pas nous rendre à l’évidence. Nous lui trouvions toujours des excuses. Nous pensions que c’étaient les petits caprices d’une star très sollicitée par les médias.

— Vous ne vouliez pas reconnaître que vous vous étiez trompé de porte-drapeau.

— Jusqu’au jour où il a quitté Stephane Krausz Production pour monter sa propre société avec son frère Tadeusz. Là le divorce est devenu officiel. Il avait oublié qu’il nous devait tout. Il nous a copiés dans toutes ses productions : le concept de l’école du rire, le concept des PRAUB, et même la couleur rose, qui est celle des compagnons GLH. En fait il essayait de monter sa propre société secrète en parallèle, en copiant tout ce qu’il connaissait de nous mais en bénéficiant en plus du trésor de guerre que lui apportait sa popularité.

— Il ne lui manquait qu’une chose. La BQT, n’est-ce pas ? Le sceptre sans lequel aucun roi n’est vraiment roi…, rappelle Isidore.

— Oui, la BQT, l’Épée de Salomon, notre relique, l’Excalibur qui fait reconnaître les véritables rois et qui nous donne notre légitimité et nous ancre dans une histoire vieille de plus de trois mille ans.

— Alors un jour il est revenu au phare : « Ce qu’on ne m’accorde pas de manière polie, je l’obtiens autrement », c’est bien cela ?

— Il était accompagné de six complices. Les trois frères Wozniak et un garde du corps au visage bizarre…

L’homme à tête de chien.

— Plus une fille et un homme avec une moustache, complète Béatrice. Au début ils étaient là soi-disant pour « parlementer ».

» Nous étions mécontents, il est interdit d’amener des visiteurs étrangers dans notre sanctuaire. Et soudain Darius a piqué une de ses colères légendaires, il a dit qu’il était chez lui et que tout ici lui appartenait. Déjà notre service d’ordre commençait à vouloir les diriger vers la sortie, mais il a fait un signe et ils ont dégainé des pistolets-mitrailleurs.

Le visage de Béatrice se crispe.

— Nous avons fui. Tristan, protégé par quelques membres qui se sont sacrifiés, a fui en premier avec la BQT.

— Comme dans la fourmilière, on sauve d’abord la reine et le couvain, murmure Isidore.

— Certains ont pu s’échapper. Beaucoup sont morts. Tristan était loin devant pour sauver la BQT. Nous avons couru. La trahison qui avait amené les nazis dans le tumulus de Carnac pendant l’hiver 1943 avait suffisamment marqué les esprits de la GLH pour que nous ayons pensé à construire une sortie de secours. Nous avons pu filer avec des hors-bord par la mer.

— Cependant Darius et ses sbires étaient derrière vous, n’est-ce pas ? enchaîne Lucrèce.

— Il voulait probablement nous éliminer tous, pour qu’il n’y ait plus de témoins.

— Le prêtre vous a sauvés et cachés dans le tumulus sous la chapelle Saint-Michel.

— Le père Pascal Le Guern a vite compris la situation. Il a été formidable.

Elle marque un temps d’arrêt, comme pour laisser les images remonter à sa mémoire.

— Mais quand nous nous sommes retrouvés enfin dans cette grotte souterraine, il manquait l’un d’entre nous. Tristan. Nous avons déduit que Darius l’avait attrapé avec la BQT.

Lucrèce est tentée d’intervenir pour avouer où se trouve Tristan, mais Isidore lui écrase discrètement le pied avant qu’elle ait prononcé un mot.

— Ensuite, que s’est-il passé ? demande-t-il.

— Nous avons attendu dans le tumulus qu’il n’y ait plus de danger. Et le père Le Guern nous a indiqué un autre endroit où, selon lui, nous pourrions nous installer en sécurité, vu que le phare était désormais perdu. C’est ce qui nous a amenés ici.

— Hum, et nous sommes où exactement ?

Béatrice inspire amplement.

— Maintenant vous avez le droit de savoir. Suivez-moi. Vous verrez, le plus drôle c’est qu’en fait vous avez prononcé vous-même le nom de cet endroit une dizaine de fois dans cette conversation.

La Grande Maîtresse les guide vers un escalier qui conduit aux niveaux supérieurs.

Au fur et à mesure qu’ils gravissent les marches, des bruits et des odeurs leur permettent peu à peu de comprendre dans quel lieu étonnant la GLH a décidé d’installer son nouveau sanctuaire secret.

Le rire du cyclope
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